Tous pendus. Oui, je les ai tous pendus ! Non sans mal, mais j’y suis arrivé. Mes bras et mes mains sont lacérés. Je m’en fiche, ça guérira vite. Je ne porterai que des longues manches ces prochains jours, pour ne pas éveiller les soupçons. Et puis, j’irai tailler les rosiers s’il le faut. C’est pas la saison, mais ils seront mon alibi. Je ris.
Ce vieux chêne a de l’allure avec ces deux grappes en pendeloques. C’est morbide, mais moi ça m’réjouit. Ils m’ont tellement pourri la vie ces cinq dernières années.
Je pourrai enfin marcher pieds nus dans mon gazon ; manger tranquille sur ma terrasse ; arrêter de combattre cette infecte odeur d’ammoniaque. Le bénéfice de mon ignoble cruauté. La prédation a changé de camp.
Bon… j’vais m’coucher, il est presque 3 heures. Je prendrai quelques photos plus tard, mon flash est médiocre. Je ris toujours.
Bon sang, 8 heures déjà ! J’ai dormi comme un bébé. Je souris.
J’enfile ce qui me tombe sous la main. J’ai hâte de déguster mon café ; dehors,seul. Le soleil est déjà superbe, ça va être savoureux.
A peine assis, même pas le temps de m’allumer une clope que ma voisine déboule.
– Bonjour Jacob. Vous avez vu cette atrocité ?
Elle est en pleurs.
– Bonjour Chantal. Non ? De quoi parlez-vous ?
Je souris, intérieurement.
– Regardez le vieux chêne. C’est affffffreux !
Je tourne la tête, me concentre pour paraître le plus étonné et le plus effaré possible.
– Oh Mon Dieu ! C’est horrible ! Qui a bien pu faire ça ?
J’ai envie de danser.
– Je n’sais pas…. Un monstre.
Elle est autant dévastée que mon jardin.
– J’ai appelé la police. Faut enfermer cet assassin !
Elle peut toujours courir, je ne me dénoncerai pas. Et en plus, elle ne me suspecte même pas, j’ai toujours contenu mon aversion pour ses chouchous. Ils n’en ont rien à faire les flics, de six minets en moins en pleine campagne.
– Vous avez bien fait Chantal. On doit condamner ce massacreur !
Son mari est tout autant chamboulé. Il est déjà sous l’arbre, pour dépendre mes victimes.
– Jacob…. Je peux vous demander d’aller aider André s’il-vous-plaît ? Je n’ai pas la force de le faire.
– Avec plaisir Chantal. Enfin… je veux dire… bien sûr !
Je me lève, mais sans rire. Quelle poisse ! Mon café est presque froid, et je n’aurai pas ma photo-souvenir.
PAR ERIC NOLA