Je repose ma flûte de champagne. Papa a demandé notre attention à tous.
– Bravo pour ton baccalauréat mon fils ! Nous sommes très fiers de toi !
– Merci papa, merci maman, mais le plus dur reste à venir. C’est long l’université.
Je sais que mes parents sont très admiratifs, mais mon envie de faire des études supérieures leur échappe. Ils ne comprennent pas mon choix. Maman s’est consacrée à notre éducation dès la naissance de ma première sœur alors qu’elle n’avait que 18 ans, pendant que papa réparait les toitures dans toute la région. Je l’accompagnais parfois, sans trop d’enthousiasme. Son travail ne m’a jamais emballé. Il a toujours espéré me transmettre son entreprise, un jour. Mais, depuis quelques années, je crois qu’il s’est fait une raison. Il faut quand même que je lui avoue l’origine de ma vocation. Pourquoi je me lance dans cette formation, si longue et si exigeante à leurs yeux.
– Tu te souviens lorsque nous allions chez les Jeanneret ?
– Oui, bien sûr. Mais je n’ai jamais compris pourquoi tu ne venais que chez eux.
– La route était longue. On discutait, on riait. Mais surtout, tu m’as fait croire pendant des années que les bosses sur cette route, c’étaient des ânes… que les policiers les forçaient à se glisser sous le bitume, pour ralentir les voitures… tu te rappelles… ?
– Ha ha ha ; ah oui, c’est juste ! J’avais complètement oublié cette histoire. C’était drôle non ?
– Ben oui, … et non. Les Jeanneret, je m’en moquais. Je venais juste pour être sûr que…
– Sûr que quoi ? Que je n’allais pas en écraser un ?
Je ne répondis pas. Papa était intrigué, presque un peu gêné par mon silence. Mes trois sœurs souriaient, mais ne comprenaient pas non plus pourquoi nous étions tout d’un coup embarrassés.
Maman coupa court et proposa de passer au dessert. En se levant pour aller à la cuisine, elle s’approcha de moi, et m’embrassa tendrement sur le front.
– Tu feras un excellent vétérinaire mon fils !
Par Léo Arcin